>Dead Moon
Troisième rencontre orchestrée par Reset : Zadig et Christine pour un saut dans l'espace-temps.
C'est dans le décor intemporel de la bibliothèque Oscar Niemeyer au Havre que deux producteurs aux méthodes bien distinctes ont choisi d'illustrer leur création commune exclusive pour le projet Reset.
Dans ce décor au design rétro-futuriste hérité des esthétiques de l'anticipation des années 70 (Soleil Vert ou Orange Mécanique auraient pu y être filmés en partie : le lieu a été bâti entre 1978 et 1982), la collaboration se déroule dans une ambiance froide, brute, où les basses menaçantes et les thèmes cinématiques répondent aux arrondis, alvéoles et structures surprenantes de cet espace de savoir d'outre-monde.
Une véritable bande originale d'un film suggéré, qui met en résonance un des lieux les plus atypiques du territoire normand et deux de ses figures musicales les plus porteuses.
Comment le lieu a-t'il été choisi ?
Christine : Il y a tout d'abord un affect pour moi, en tant que Havrais d'origine. Le lieu n'a pas été choisi en fonction de ça, mais disons que ça tombe bien. C'est tout d'abord pour ses qualités esthétiques, son agencement de l'espace qui répond à certains critères ; c'est un lieu assez unique dans son genre. On y allait pour rigoler, faire du roller... Je redécouvre la ville à la lumière de ces lieux réagencés, il y a une belle dynamique.
Zadig : Tout correspondait à la musique. Le morceau a un côté « musique à l'image » autant que « club ». Il y a un côté cinématographique, on nage en plein 2001, en plein mystère. La présence des livres accentue tout ça aussi.
C : D'ailleurs on s'est fait la remarque : nos deux projets viennent de la littérature, Stephen King pour moi et Voltaire pour Zadig. Evoluer au milieu de tous ces livres, ça ajoute une strate à la signification.
Z : Tout nous amenait à ce lieu ! On n'avait aucune alternative.
Cette expérience vous pousse-t'elle davantage vers des envies d'impromptu ?
C : Ce projet, né du Covid, nous a poussé à décontextualiser notre pratique. C'est intéressant. Jouer dans des lieux « autres » est une occasion de réfléchir sur nos façon de jouer. Jouer en médiathèque, ou en espaces extérieurs... C'est super, mais un peu épuisant sur une économie à long terme. On ne peut pas s'y placer sur une carrière.
Z : J'avais fait quelque chose à l'Historial Jeanne d'Arc par exemple. C'est une super opportunité en effet. Ponctuellement, dans des cas précis. Mais dans la réalité, c'est bon aussi de retrouver ses marques dans des lieux prévus pour nos pratiques.
Quel rôle avez-vous joué chacun sur ce morceau ? Comment avez-vous construit l'ambiance ?
Z : J'avais déjà en réserve une vingtaine d'ébauches simples sur le thème des musiques à l'image. On a choisi cette piste qui est passée dans les mains de Christine, on a échangé. Comme notre première collaboration (Electric Sheep pour les Lomax XP).
C : Sur les images, on a choisi de faire intervenir des gens qu'on respecte, dont on aime la façon de faire. On y retrouve Benjamin du groupe Les Agamemnonz par exemple, il a une stature, une tronche... On retrouve Roches Noires, et d'autres.
Z : on ne voulait pas d'une vidéo où on voyait deux types pousser des boutons avec des synthés, il fallait de la figuration, une narration.
Comment décririez-vous le travail de l'autre ?
Z : La musique de Christine est à mi-chemin entre musique imagée et énergie club massive, très produite, détaillée. Passer des heures à bosser des éléments si ponctuels, je ne pourrais pas le faire ; il y a un truc puissant, il se passe quelque chose de cinématique.
C : La musique de Zadig est une expérience, je suis impressionné de le voir travailler comme ça depuis une quinzaine d'années -sous ce nom en tout cas. Cette culture techno pure m'intéresse, ce côté artisan du son, ce savoir-faire. Confronter ces deux approches, l'une très informatique -la mienne- et l'autre plus analogique, avec une grande console et des machines, c'est vraiment une mine d'idées. Techniquement, prendre des idées dans d'autres courants, d'autres façons de faire, nous fait avancer. Dans le rap, l'electro, la pop... Une vie ne suffit pas à apprendre la production.
Z : Il y a des vases communicants. Rassembler le meilleur de ces deux mondes est une aubaine. Moi qui vient d'une musique pratiquement pas arrangée, plonger profondément dans ces détails de mixage est une bonne leçon.